Introduction de la facture électronique dans l'UE - ce que les entreprises suisses doivent savoir à ce sujet

La facture électronique ("e-facture") remonte à l'initiative "VAT in the Digital Age (VIDA)" de la Commission européenne du 8 décembre 2022. La digitalisation du système de TVA dans l'UE vise à adapter les conditions-cadres à la réalité digitale. Il s'agit avant tout de réduire la vulnérabilité à la fraude fiscale dans le commerce transfrontalier au sein de l'UE.

Urs Kipfer, Senior Advisor, Tax Partner AG

L'initiative VIDA repose globalement sur trois piliers :

  1. exigences en matière du e-reporting
  2. mise à jour des règles de TVA pour l'économie de la plateforme et
  3. enregistrement unique de la TVA.

La e-facture fait partie du premier pilier des exigences en matière du e-reporting. Elle représente la solution souhaitée pour la manière dont l'échange de données avec les autorités fiscales peut être organisé afin de rendre le système de TVA plus efficace et plus simple (du moins du point de vue des autorités) grâce à un instrument uniforme dans toute l'UE.

Selon l'évaluation d'impact réalisée pour la Commission européenne en 2022, la e-facture s'est avérée être la plus avantageuse par rapport à d'autres mesures (par exemple SAF-T ou Real Time Reporting). La e-facture doit permettre de saisir à l'avenir les données relatives à la TVA dans un système de déclaration électronique. Cette saisie centrale des données ne se concrétisera toutefois qu'entre 2028 et 2032.

Qu'est-ce qu'une e-facture ?

Dans le langage courant, on entend par une e-facture un document de facturation qui n'est pas établi sur papier, mais envoyé par exemple sous forme de document PDF. Les exigences de l'e-facture vont toutefois bien au-delà. Elles devront en principe répondre aux exigences de la norme CEN 16931. Les e-factures doivent au moins garantir une interopérabilité totale afin que les données de facturation puissent être enregistrées à l'avenir dans un système de déclaration électronique unique.

Selon des considération 8 de la directive 2014/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, cette exigence d'interopérabilité totale a des répercussions à trois niveaux différents, à savoir le contenu de la facture (sémantique), le format ou la langue utilisée (syntaxe) et la méthode de transmission des données. Un format de données électronique quelconque, tel que le PDF, ne peut pas satisfaire à ces exigences.

Qui est concerné par la e-facture et quel est le calendrier ?

Si l'on regarde dans les différents pays de l'UE, on constate que la e-facture est souvent obligatoire depuis quelques années déjà dans les relations Business-to-Government (B2G). Dans les relations B2B, la e-facture peut être utilisée dans certains États sur une base volontaire ; dans certains cas, son introduction fait encore l'objet de discussions.

Les relations B2C, dans le cadre desquelles des services sont facturés à des non-entrepreneurs, ne sont actuellement pas couvertes par les dispositions relatives à la e-facture.

La e-facture n'est pas introduite de manière uniforme au sein de l'UE ; ce sont les différents États membres qui en assument la responsabilité. Il en résulte des règles de facturation différentes dans les États membres, du moins jusqu'à ce que la e-facture soit introduite à grande échelle. L'évolution dans les pays voisins de la Suisse peut être résumée comme suit :

Quelles sont les conséquences de la e-facture pour les entreprises suisses ?

A première vue, les développements actuels concernant l’introduction de la e-facture, notamment dans les pays voisins de la Suisse, ne semblent pas affecter les entreprises suisses. Même en Allemagne, où la e-facture sera introduite dès le 1er janvier 2025, les dispositions ne s'appliquent qu'aux chiffres d'affaires résultant de prestations imposables en Allemagne entre des entreprises établies.

Toutefois, les entreprises ayant leur siège social en Allemagne ne sont pas les seules à être considérées comme résidentes. L'existence d'un établissement stable en matière de TVA suffit déjà pour être considéré comme étant résident. En revanche, le seul fait d'être enregistré à la TVA en Allemagne n'oblige pas les entreprises suisses à participer au système de facturation électronique.

Pour les entreprises suisses ayant un établissement stable soumis à la TVA en Allemagne, cela ne signifie toutefois pas que la possibilité de générer des e-factures existe dès le 1er janvier 2025. Une obligation complète d'établir des e-factures n'est prévue qu'à partir du 1er janvier 2028. Jusqu'à cette date, il sera possible, avec certaines restrictions, de continuer à émettre des factures sur papier ou dans d'autres formats électroniques.

Toutefois, à partir du 1er janvier 2025, les entreprises suisses ayant un établissement stable en Allemagne soumis à la TVA devront obligatoirement être en mesure de recevoir des e-factures. On peut se demander ce que cette "disponibilité à recevoir" signifie en détail. D'un point de vue pratique, il faut non seulement être prêt à recevoir, mais aussi à traiter des factures sous format électronique. Si un destinataire de factures n'a pas déjà créé les conditions nécessaires pour traiter les données des e-factures, on peut se demander comment il pourrait par exemple garantir la vérification des données de la facture, la comptabilisation correcte et, en fin de compte, demandé la récupération correcte d'impôt préalable.

Cette problématique liée au traitement des factures sous forme électronique n'est pas nouvelle en soi et est déjà connue, par exemple, des fichiers au format XML. Comme pour les documents originaux au format XML, ce sont les données au format original qui seront déterminantes pour prouver le traitement TVA des e-factures.

Les documents qui ne servent au destinataire de la facture qu'à des fins de lisibilité, comme le contenu des e-factures reproduit au format PDF, ne disposeront pas de la force probante requise.

En fin de compte, les entreprises suisses ayant un établissement stable en Allemagne au regard de la TVA ne seront pas les seules à devoir se pencher sur la question de savoir comment gérer la réception et le traitement des e-factures dès le 1er janvier 2025. Les entreprises suisses qui ne sont pas établies en Allemagne devraient également se préparer à la e-facture, notamment si des montants d'impôt préalable doivent être réclamés sur la base d'e-factures dans le cadre de la procédure de remboursement selon la 13ième directive TVA. On ne peut pas partir du principe que les entreprises allemandes qui introduisent la e-facture continueront à émettre parallèlement d'autres formats de factures pour les destinataires à l'étranger.

Les entreprises suisses doivent donc être en mesure de vérifier que les e-factures sont formellement correctes, de les archiver en toute sécurité et de les transmettre au fisc allemand de la manière requise dans le cadre de la procédure de remboursement de l'impôt préalable.

Conclusion

L'instrument unique de la e-facture ne vise pas seulement à réduire les pertes fiscales. Elle vise également à rendre le système de TVA de l'UE plus efficace et plus simple. Il existe encore quelques points d'interrogation, du moins en ce qui concerne le gain d'efficacité et la simplification du système du point de vue des entreprises concernées. L'instrument de la e-facture est introduit de manière décentralisée et décalée dans le temps dans les États membres de l'UE, ce qui complique son utilisation par les entreprises.

La situation actuelle peut être qualifiée étant peu claire. Il est toutefois certain que les entreprises devront consentir un effort financier considérable pour pouvoir satisfaire aux exigences du système en matière de réception, de traitement et, enfin, d'émission des e-factures. Par ailleurs, il n'est pas prévu d'introduire en Suisse un instrument similaire à la e-facture.

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