La durabilité, un facteur de réussite

Au sein des entreprises, le thème de la durabilité a longtemps été réservé aux domaines du marketing et de la communication. Il s'agissait en premier lieu de signaler de bonnes intentions sous la forme d'un " code de conduite ".

Philipp Aerni, Directeur du Center for Corporate Responsibility and Sustainability (CCRS) à la Haute école de gestion de Fribourg (HES-SO)

Cependant, avec l'approbation internationale massive des dix-sept objectifs de développement durable des Nations Unies ainsi que des objectifs climatiques de Paris en 2015, la situation a progressivement changé. Ce sont certes les États qui ont signé ces accords, mais leur transposition dans les législations nationales concerne également la marge de manœuvre des entreprises privées.

Les grandes entreprises misaient déjà principalement sur l'autorégulation. Partant des principes existants définis par des organisations internationales (telles que le Pacte mondial des Nations Unies ou encore les lignes directrices de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales), ces entreprises ont tenté de rendre le développement durable accessible et opérationnel. Cela par le biais de critères ESG dans les domaines de l'environnement, du social et de la gestion d'entreprise. Ces critères ont ensuite été de plus en plus utilisés dans le secteur financier pour des décisions d’investissements spécifiques. Mais ces efforts visant à rendre la durabilité plus tangible dans l'économie ont toutefois été progressivement remis en question par la croissance exponentielle des investissements ESG dans le secteur financier. En juillet 2022 l'hebdomadaire "The Economist", suggérait la suppression de l'abréviation ESG, contenant trop de "green" et de "social washing". En d'autres termes, les clients seraient induits en erreur. Au lieu de cela, il est postulé que seul le "E" comptera à l'avenir, ce E ne signifiant pas "Environment", c'est-à-dire environnement, mais simplement "Emissions", c'est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, limiter la durabilité des entreprises à la protection du climat ne serait pas compatible avec l'esprit des Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU qui reconnaissent que, pour une majorité de la population mondiale, la pauvreté demeure le principal adversaire de la durabilité. Ce n'est pas la protection du climat mais l'adaptation au climat et la croissance économique inclusive qui ont la priorité dans ces pays.

Enfin, particulièrement en Europe, la pression réglementaire s’affermira dans le domaine sociétal de la durabilité avec la proposition de directive européenne sur la "Corporate Sustainability and Due Diligence". Cette directive exige pour les grandes entreprises l’obligation de fournir des rapports. Cela concerne l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Les PME suisses exportatrices seront également concernées par cette mesure comme fournisseurs de grandes entreprises européennes. Celles-ci exigent en effet, de plus en plus souvent, une attestation de durabilité allant bien au-delà d'un code de conduite. Cependant, les fournisseurs privés de rapports de durabilité fort coûteux n'ont aucune incitation à une évaluation uniforme de la durabilité, car ils veulent se différencier. Les PME sont donc confrontées au problème suivant : bien que des chiffres concrets soient exigés, ceux-ci n'augmentent pas nécessairement la crédibilité.

Un système de benchmarking calibré, servant de base pour mesurer, comparer et vérifier la performance d'une entreprise en matière de développement durable, pourrait y remédier. L'outil de notation et de « reporting » associé serait alors une plateforme intégrative qui ne se substitue pas à l'existant mais l'intègre. En tenant compte de toutes les facettes de la durabilité, cela répondrait également à l'esprit des Objectifs de Développement Durable de l'ONU selon la devise "People, Planet and Prosperity". Une entreprise qui investit dans le domaine environnemental et social (People, Planet) au point de mettre en danger la santé financière de son cœur de métier (Prosperity) ne peut être qualifiée de durable, car elle doit demeurer viable pour atteindre ses objectifs.

Pour en savoir plus sur le thème de la «durabilité», consultez le nouveau numéro du journal swiss export.